Menu
Fermer
La fréquence des ruptures du LCA chez l’enfant et l’adolescent augmente constamment depuis les années 1990 avec la pratique toujours croissante des activités sportives « pivots », telles que le football, le basket, la handball, le rugby ou encore la gym. La pratique du sport débute de plus en plus tôt avec des rythmes toujours plus intensifs et une demande de résultats toujours plus forte. Il n’est pas rare aujourd’hui de voir un jeune footballeur pratiquer au moins 3 (voir plus) entrainements par semaines, surtout s’il est « promis » à une carrière sportive. La prise en charge chirurgicale de ce type de blessure a beaucoup évolué sur ces 20 dernières années. Une meilleure compréhension du fonctionnement des cartilages de croissance et une amélioration des outils techniques ont permis de voir émerger des techniques opératoires plus fiables et respectant au mieux l’anatomie tout en prenant un minimum de risque pour la croissance du genou. |
Je dois me faire opérer du LCA
Sommaire
La rupture du LCA chez l’enfant est une lésion grave qui expose le genou aux lésions méniscales puis secondairement à moyen terme à l’arthrose (usure des cartilages articulaires). Un enfant de 10 ou 12 ans qui présente une rupture du LCA et des lésions méniscales ou une instabilité non traitée présente un risque très élevé d’arthrose dès l’âge de 20 ans. Dans notre région très sportive des Pays de la Loire, on note une augmentation régulière des traumatismes graves du genou, avec surtout au taux de plus en plus élevé de rupture du LCA . Cette blessure concerne surtout les sports pivots (gymnastique notamment) et surtout pivot-contact (football, basket, handball, rugby…).
La particularité bien sûr chez l’enfant est liée à sa croissance. Celle-ci est en plus très importante au niveau du genou et une chirurgie du ligament croisé antérieur (LCA) sur cette articulation exposera toujours au risque d’avoir un trouble de croissance (jambe opérée plus courte). Ce risque est minime mais devra quand même être pris en compte. |
La croissance en longueur des membres supérieurs et inférieurs est réalisée par les « cartilages de croissance », encore appelés « cartilages de conjugaison ». Ils sont situés proches des articulations. Pour le membre inférieur il y en a 4, en haut en en bas du fémur et du tibia, soit 2 cartilages de croissances autour du genou. Chaque cartilage de croissance ne produit pas la même quantité de croissance. Les cartilages de croissance proches du genou (partie basse du fémur et haute du tibia) assurent environ 65% de la croissance du membre inférieur. La croissance s’arrête lorsque qu’il n’y a plus aucun cartilage de croissance actif, elle ne se termine pas en même temps pour tous les cartilages de croissance. Ainsi, la croissance s’arrête d’abord au niveau des pieds, puis chevilles, puis genoux et hanches, puis au niveau du dos. On dit classiquement que l’on arrête d’abord de changer de chaussures, puis de pantalon, puis de chemise. |
Contrairement aux idées reçues, la croissance du genou ne se termine pas à 18 ou 20 ans. Elle se termine autour de 16 ans chez le garçon et 14 ans chez la fille. Pour être plus précis, différentes études ont montré qu’il n’y a plus de risque d’avoir un trouble de croissance au-delà de 13 ans et demi d’âge osseux chez la fille et 15 ans et demi d’âge osseux chez le garçon. L’âge osseux correspond à la maturité « réelle » ou « physique » de l’enfant ou adolescent. Il est déterminé à partir de radiographies du poignet et de la main gauche et/ou d’une radiographie du coude. Le plus souvent, l’âge osseux est en corrélation avec l’âge civil à 6 mois près mais on peut avoir des différences jusqu’à 2 ans. Ainsi un garçon de 14 ans peut très bien avoir fini de grandir au niveau du genou alors qu’un autre de 17 ans peut avoir encore une croissance active au niveau du genou.
Le cartilage de croissance est un point de faiblesse du membre de l’enfant et un traumatisme de celui-ci (fracture ou chirurgie) peut potentiellement induire un trouble de croissance avec pour incidence une inégalité de longueur plus ou moins associée à une déformation. L’arrêt prématuré d’un cartilage de croissance s ‘appelle une épiphysiodèse.
La répercussion sera logiquement d’autant plus importante que l’enfant sera jeune. Par contre plus l’enfant est jeune plus le risque d’avoir un trouble de croissance est faible. Pour exemple si le cartilage de croissance du fémur inférieur s’arrête de fonctionner à 10 ans cela induira une inégalité de longueur des membres inférieurs en moyenne de 6 à 7 cm chez un garçon et de 5 à 6 cm chez une fille.
La rupture du LCA chez l’enfant est une lésion grave qui expose le genou aux lésions méniscales et à l’arthrose. Il est donc capital de faire le diagnostic le plus tôt possible de cette lésion et de définir la meilleure prise en charge qui ne sera pas forcément d’emblée chirurgicale.
Le diagnostic clinique de la rupture du LCA est identique à l’adulte : présence d’un traumatisme le plus souvent en torsion du genou avec présence de sang dans le genou qui est gonflé (hémarthrose) et présence à l’examen d’un « tiroir » anormal comparativement à l’autre genou. Une consultation par un orthopédiste spécialisé est recommandée dans les 15 jours qui suivent le traumatisme, avec en attendant le RDV la mise en place d’une attelle et de glace à titre antalgique et l’utilisation de béquilles (avec appui autorisé) pour marcher.
Une IRM sera réalisée dès que possible pour authentifier la rupture du LCA et surtout pour faire le bilan méniscal. En effet, les lésions méniscales traumatiques chez l’enfant ne se dépistent que sur l’IRM. Elles sont très peu source de douleurs comme chez l’adulte, l’examen clinique est insuffisant pour en faire le diagnostic. Savoir si il y a ou non une ou plusieurs lésions méniscales est capital pour décider de la prise en charge. |
Une fois le diagnostic posé, 2 types de traitement sont possibles : le traitement « conservateur », ou traitement non chirurgical, et le traitement chirurgical.
Ce traitement s’adresse aux enfants qui n’ont pas de lésions méniscales associées sur le bilan IRM initial. Il est basé sur une rééducation intensive et une reprise progressive des activités sportives, même pivots, sous surveillance clinique régulière et IRM.
L’objectif est de différer l’intervention de reconstruction du LCA en fin de croissance pour ne prendre aucun risque pour la croissance et parce que les résultats de la chirurgie réalisée à maturité osseuse sont un peu meilleurs encore à l’heure actuelle.
Une rééducation du genou est mise en place en travaillant sur le renforcement musculaire et le travail proprioceptif pour améliorer le contrôle du genou et limiter les risque de dérobement ou « lâchages » du genou. Dans un premier temps, une fois que le genou n’est plus douloureux et que la marche sans béquille est correcte on autorise uniquement la natation (sauf la brasse) et le vélo. Si l’évolution est favorable, c’est à dire s’il n’y a pas d’épisode d’instabilité, les autres sports vont pouvoir être repris: sports en ligne type course à pied (et course dans la cour de récréation…) à 3 mois de l’accident, puis sports pivots contact (football, basket, handball, rugby, gym…) à 6 mois.
Tout cela est encadré par un suivi clinique spécialisé tous les 6 mois. Une IRM est réalisée tous les ans jusqu’à maturité osseuse. L’objectif des consultation semestrielle est de dépister une éventuelle instabilité qui contre indiquerait la poursuite du traitement conservateur, l’instabilité étant source de lésion méniscale. Il est important de comprendre qu’un enfant n’exprimera pas forcément son « instabilité » comme le ferait un adulte ce qui rend indispensable ce suivi rapproché spécialisé. Le contrôle IRM a pour but de dépister l’apparition éventuelle d’une lésion méniscale secondaire non symptomatique (fréquent chez l’enfant) et qui remettrait en cause également la poursuite du traitement » conservateur ».
L’important dans cette prise en charge reste la surveillance, il est capital de contrôler régulièrement le genou jusqu’à maturité osseuse.
Les indications opératoires de reconstruction du LCA chez l’enfant sont aujourd’hui bien codifiées. L’objectif est d’avoir un genou stable pour conserver un bon capital méniscal et ainsi limiter le risque d’arthrose (usure des cartilages) à moyen terme.
La lésion méniscale constitue un tournant évolutif dans la maladie de l’instabilité chronique du genou secondaire à une rupture du LCA, surtout chez l’enfant. L’évolution arthrosique d’un genou d’enfant instable est beaucoup plus rapide que chez l’adulte, conduisant parfois à des impasses thérapeutiques.
Ainsi, il existe 3 indications opératoires, la dernière étant moins formelle:
Différentes techniques opératoires ont été développées au fil des années et continuent à évoluer. L’objectif reste de se rapprocher le plus possible de l’anatomie réelle et de limiter au maximum le risque de nouvelle blessure. En première intention il est réalisé une ligamentoplastie aux ischiojambiers (DIDT). Un renfort complémentaire est réalisé pour limiter au maximum le risque de détente de la plastie du LCA et d’instabilité résiduelle.
La technique opératoire chez l’enfant est globalement la même que chez l’adulte, la position du transplant devant être le plus anatomique possible chez l’enfant comme chez l’adulte. Seulement, un certain nombre de précautions pendant l’intervention sont à prendre pour prendre le moins de risque pour la croissance du genou, raison pour laquelle cette chirurgie doit être réalisée par un chirurgien qui connaît bien la croissance. |
technique opératoire: LCA chez l’enfant
Il a longtemps été considéré que chez l’enfant et l’adolescent les blessures ligamentaires n’existaient pas vraiment et que chez l’enfant « la croissance guérit tout ». Ce dogme est bien entendu totalement faux et on sait aujourd’hui que la rupture du LCA existe chez l’enfant et que lorsque cette rupture est complète il n’y a pas de cicatrisation spontanée possible avec un risque de dégradation rapide du genou. La forte activité du genou en terme de croissance explique que pendant longtemps on a considéré qu’il était dangereux d’opérer le genou d’un enfant. Le risque de la chirurgie du LCA pour la croissance s’explique par le fait qu’il faut faire un tunnel osseux au fémur et au tibia pour fixer la greffe tendineuse (exactement comme chez l’adulte). Ce tunnel traverse ou est très proche (en fonction de la technique réalisée) du cartilage de croissance chez l’enfant. Pour autant, si le diamètre du tunnel est adapté à la taille du genou de l’enfant et si on n’interpose pas à cheval sur ce cartilage de croissance de l’os ou de matériel tel qu’une vis, alors la croissance se poursuit normalement. Il faut savoir également que le cartilage de croissance est une structure très puissante chez l’enfant jeune et devient plus fragile chez l’adolescent qui se rapproche de la fin de la croissance. Le risque de trouble de croissance est donc quasiment nul chez l’enfant jeune, il est plus important chez l’adolescent mais aura un retentissement clinique très faible voir non détectable.
Par ailleurs contrairement aux idées reçues, le risque n’est pas tellement que la croissance du genou soit altérées mais plutôt d’avoir une hypercroissance du côté opéré de parfois 20 voir 30 mm.
Cela justifie dans tous les cas de surveiller la croissance d’un genou opéré jusqu’à ce que cette croissance de genou soit terminée.
On peut donc opérer le genou d’un enfant en prenant le minimum de risque pour la croissance, même en traversant les cartilages de croissance. De nombreuses études dans les années 2000 ont montré que le risque de trouble de croissance est très faible, autour de 1 à 2% (arrêt ou accélération de la croissance), en respectant un certain nombres de règles techniques.
Il faut bien comprendre que ce risque est largement inférieur au risque de voir le genou s’abimer en cas d’instabilité ou lésion méniscale associée.
Les sports pivots contact sont repris en moyenne pas avant 12 mois chez l’enfant après reconstruction du LCA. Il semble même raisonnable de patienter 14 à 18 mois car la « ligamentisation » (transformation du tendon en ligament) est plus longue chez l’enfant que chez l’adulte.
Près de 85% des enfants réussissent à reprendre leur même sport ce qui en soit est un bon résultat. Pour autant, 70% retrouvent leur niveau et il faut être clair sur le fait que dans la moitié des cas il est impossible à l’enfant d’accéder au niveau professionnel.
Les reruptures ou rupture du LCA du genou controlatéral existent chez l’enfant comme chez l’adulte. Ce risque est évaluer selon les études entre 15 et 25% chez les moins de 25 ans, à savoir la population qui reprend le plus une activité sportive pivot à risque. L’association à la reconstruction du LCA, d’une plastie ou « renfort » antérolatéral semble diminuer ce risque de manière notable. Le facteur de risque principal de rerupture est le délai de reprise des sports à risque: il est beaucoup plus élevé lorsque les sports à risque sont repris avant 14 mois.